« La beauté du geste » : entre danse, résilience et quête d’identité, le nouveau documentaire « événement » de Xavier de Lauzanne est un voyage fascinant à travers l’histoire du Cambodge, rythmé par son mythique Ballet royal.
Sept ans après le succès des Pépites, élu en 2016 meilleur documentaire par les spectateurs, avec plus de 220.000 entrées, le réalisateur Xavier de Lauzanne embarque de nouveau sa caméra au Cambodge. Cette fois-ci, il filme une tout autre aventure : celle de l’histoire du légendaire Ballet royal et de sa dernière création.
De 1906 à aujourd’hui, Xavier de Lauzanne plonge le spectateur dans cette histoire passionnante qui croise intimement celle du Cambodge et celle du sculpteur français Auguste Rodin.
Derrière sa caméra, le réalisateur humaniste poursuit l’une de ses obsessions : montrer comment la culture et le « beau » aident les peuples à reconstruire une identité blessée par les tragédies de l’Histoire.
De Rodin à l’âge d’or du Ballet royal, en passant par ses heures les plus sombres…
Tout commence en 1906, lorsque le roi Sisowath vient en visite officielle en France, à l’occasion de l’Exposition coloniale de Marseille. Il est accompagné de son Ballet Royal et c’est la première fois que les danseuses se produisent en dehors de l’enceinte du Palais, situé à Phnom Penh. De quoi attiser la curiosité des visiteurs qui se déplacent par milliers pour découvrir cet art sacré. Des reporters parisiens sont alors dépêchés à Marseille et le Ballet Royal est invité à se produire dans la capitale, où il croise la route d’Auguste Rodin.
L’illustre sculpteur est bouleversé à son tour. Il quitte Paris toutes affaires cessantes afin de suivre les danseuses sur le retour vers Marseille. En quelques jours, il va réaliser près de 150 croquis, cherchant fiévreusement à saisir la beauté et la poésie de cette gestuelle si éloignée de la tradition occidentale.
Depuis, le Ballet royal a connu une longue histoire, entre heures de gloire et périodes sombres, durant lesquelles il a bien failli disparaître. Dans son spectacle intitulé « Métamorphose », la princesse Norodom Buphha Devi, demi-sœur de l’actuel roi du Cambodge et ancienne danseuse étoile, icône des années 60, s’inspire directement des gestes que Rodin a immortalisés dans ses croquis. Une manière pour elle de renouer avec l’Histoire et de retrouver la quintessence du Ballet royal.
Un voyage initiatique à travers l’histoire du Cambodge
Du domicile de la princesse, où se déroulent les répétitions, aux premières images de la tournée en France et en Suisse, en 2018, Xavier de Lauzanne suit chaque étape de cette quête exigeante au cours de laquelle se manifeste « La beauté du geste ». « À l’opposé de la danse classique telle que nous la connaissons, le Ballet royal est une curiosité à nos yeux. Le film se veut un trait d’union entre la culture cambodgienne et occidentale, tout en cherchant à mieux comprendre la dimension universelle de cet art ancestral. Il décrypte ses gestes, dans leur technicité mais aussi leur signification, montrant le lien intime qui s’est noué entre cette gestuelle et l’histoire du pays », explique le réalisateur.
Au fil des plans se dévoilent les grandes pages de cette histoire : de la période coloniale jusqu’à aujourd’hui, en passant par l’indépendance et la guerre civile qui aboutit à l’avènement des Khmers Rouges, en 1975.
Des images fortes qui nous émeuvent et réveillent notre devoir de mémoire.
La culture comme vecteur de reconstruction
En 2008, le Ballet royal est inscrit au patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco.
Avant sa diffusion en France, le film est sorti en salles au Cambodge, afin d’y assoir sa légitimité. Il y a rencontré son public, remportant un succès sans précédent pour un documentaire, notamment auprès des jeunes générations. Un plébiscite qui témoigne de la force de cet héritage et de son rôle dans l’œuvre de résilience.
Le titre du film en anglais est « The Perfect Motion » (le mouvement parfait) et en khmer « Tep Hatta » (le mouvement très beau).
Dans « La Beauté du Geste », Xavier de Lauzanne s’efforce de mettre en lumière le rôle de la culture dans la reconstruction d’une identité nationale : « Que ce soit au Cambodge, mais aussi en Syrie, en Irak, comme dans les territoires palestiniens où j’ai également eu l’occasion de tourner, je suis frappé de voir à quel point l’art favorise ce processus. Après une guerre, ou un traumatisme, rebâtir les infrastructures ne suffit pas. Nous avons tous besoin du « beau » pour retrouver une identité », conclut-il.
Pendant le guerre civile, plus de 90 % des artistes furent exécutés.
Voan Savay, maitresse de ballet pour la création de Métamorphose, est l’une des rares rescapées. « Je n’avais pas peur de la mort car ma vie vaut peu de chose. Mais l’art, lui, ne doit jamais mourir », témoigne-t-elle, dans ce film.
Avant le régime de terreur des khmers rouges, la créativité de la nation était incessante. Depuis, le Cambodge vit une longue et difficile reconstruction. Il y a un diction khmer qui dit « Quand la culture s’éteint, la nation se dissout ».
Ce film passionnant et très émouvant est un sublime hommage rendu à toutes les cambodgiennes et tous les cambodgiens, dont la danse est non seulement une tradition mais aussi une coutume lors des cérémonies et de chaque fête. Tout le monde danse au Cambodge ! Oui, l’art est vraiment essentiel pour supporter les épreuves, pour se reconstruire et pour donner un sens universel.
Bande-annonce du film
https://youtu.be/PB9khRzt0OA?si=Yq_G17sDparjD_zl